Des racines et des arbres : nos forêts aujourd’hui et demain

La forêt savoyarde n’a rien de commun ! De la Chautagne où s’épanouit une des plus grandes peupleraies d’Europe au vallon de l’Orgère en Haute-Maurienne qui abrite une forêt relique (reste de la forêt originelle) avec plusieurs mélèzes vieux de 1 000 ans, les espaces boisés concernent tous nos territoires. Mention particulière pour les massifs des Bauges, de Chartreuse, du Val d’Arly Beaufortain et la partie inférieure des vallées de Tarentaise et Maurienne. Adaptée aux rudesses de la montagne, notre forêt, plutôt habituée à une pluviométrie qui garantissait sa régénération doit désormais aussi relever le défi de la chaleur et des épisodes de sécheresse...

La forêt, c’est 1/3 du territoire de la Savoie

• 215 000 ha de forêts
• + 36 000 ha depuis 1985
• 44 % de forêts publiques (25 % au niveau national)
• 56 % de forêts privées, réparties entre 58 000 propriétés de 2 ha en moyenne
• 3 forêts du massif des Bauges propriété du Département de la Savoie depuis 1860 (Combe d’Aillon, Coutarce, Tamié-Sambuy)

Forêt de montagne : la touche savoyarde

• + de 60 % de la forêt situés à + de 1000 m d’altitude
• 86 % des forêts considérées comme diffi cile d’accès
• 65 % des parcelles situés sur des pentes à plus de 30 %
• 64 % de résineux
• Près de 30 % de la surface forestière en épicéa

Le bois : toute une économie

• + de 900 entreprises impliquées directement dans la filière bois savoyarde
• 3 500 emplois directs
• 240 000 m3 de bois récoltés par an pour produire 100 000 m3 de sciages et 48 000 m3 de bois énergie

Feux, insectes, maladies végétales… de tout temps, la forêt a subi des attaques. Ces dernières années, elle est mise à rude épreuve en raison du changement climatique et de l’épidémie de scolytes qui touchent les épicéas. Alors, quels sont les leviers d’action pour une gestion durable des forêts de Savoie ? Réponses de Didier Cornevin, chargé de sylviculture à l’Office National des Forêts (ONF).

"Il n’y a pas une forêt mais des forêts en Savoie. Selon les territoires, elles sont composées d’essences différentes, depuis les peupliers en Chautagne jusqu’aux mélèzes et pins cembro dans les hautes vallées de Maurienne et de Tarentaise. La forêt de demain sera encore plus diversifiée pour être plus résistante. Pour l’aider à se renouveler sans déséquilibrer l’écosystème, nous créons régulièrement des puits de lumière et plantons ponctuellement de nouveaux arbres. Environ 40 000 par an de 40 espèces locales avec, en tête, le mélèze suivi du pin sylvestre. Les plants sont pour la plupart issus de la pépinière que nous avons lancée il y a 5 ans à Ruffieux, la réglementation française étant très stricte en la matière. Nous testons également des essences non indigènes comme le pin maritime, le douglas, le sapin de Turquie ou l’épicéa de Serbie dans ce qu’on appelle des îlots d’avenir. Il y en a une dizaine en Savoie sur un demi-hectare à chaque fois. Les nouvelles plantations participent au rajeunissement de nos forêts. Des arbres de tous âges, forts et solides, limitent les risques de coupes rases et donc l’érosion des sols et les chutes de blocs."

Crédit : ONF

Quand un petit insecte chamboule la forêt et toute une filière !

Les forêts de Savoie sont confrontées à une crise sans précédent due à la prolifération des scolytes, cet insecte qui décime les épicéas à une vitesse alarmante. L’État et le Département se mobilisent aux côtés des acteurs de la filière pour apporter des réponses à la hauteur des enjeux. Principal défi : exploiter les bois scolytés et les valoriser dans la construction et la rénovation. Questions à Rémi Chaudurié, architecte, chargé de mission au CAUE de Savoie (Conseil d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement) et membre du Pôle Excellence Bois.

Comment expliquer la prolifération des scolytes ?

"En raison du réchauffement climatique, les épicéas sont de plus en plus stressés par le manque d’eau. Fragilisés, ils sont un vrai terrain de propagation des scolytes qui aiment la chaleur. Le résultat est visible de loin : ces taches brunes dans nos forêts. Autrefois très ponctuel, ce phénomène est bien connu des propriétaires forestiers, scieurs et charpentiers depuis plusieurs générations. Il s’est aggravé ces dernières années, au point d’impacter aujourd’hui toute la filière bois. Face à cette situation, nous devons faire preuve de résilience et briser les idées reçues. Chacun peut être un maillon de la chaîne du bois scolyté."

Comment tirer parti du bois scolyté ?

"S’il est récolté rapidement, il est tout à fait valorisable en bois d’oeuvre. Légèrement bleuté en raison d’un champignon qui se développe dans les parties touchées, ce bois est de très bonne qualité, avec les mêmes propriétés structurelles que celles d’un bois sain. Des architectes aux porteurs de projet, chacun est appelé à l’utiliser dans ses projets. Les collectivités avec les professionnels montrent l’exemple avec des initiatives qui émergent : un pôle d’échange multimodal à Bourg-Saint-Maurice, une micro-crèche à Saint-Pierre-de-Curtille ou encore un chalet pour les bergers à Beaufort. Nous ne sommes qu’au début du chemin, mais la prise de conscience collective doit être rapide pour développer les usages du bois bleu et favoriser le renouvellement des forêts touchées."

poleexcellencebois.fr 

OUI ! Avec plus de 900 entreprises et 3 500 emplois directs, la forêt savoyarde participe à l’économie locale. Sylviculteurs, bûcherons, gestionnaires forestiers, scieurs, menuisiers, charpentiers, ingénieurs ou encore architectes… des femmes et des hommes travaillent au quotidien, parfois dans l’ombre, pour valoriser cette matière brute. Points forts : des bois recherchés pour leur qualité, un savoir- faire adapté aux spécificités de haute montagne et des acteurs structurés. Précisions de Georges Communal, président de l’Association départementale des communes forestières de Savoie.

"Depuis plus de 90 ans, notre structure informe et défend les intérêts des collectivités pour faire vivre la forêt publique, optimiser ses usages et ses bénéfices afin de répondre à des enjeux notamment économiques et durables. En Savoie, près de la moitié de la surface forestière est publique contre 25 % au niveau national. Principalement composées de résineux, épicéa et sapin en tête, nos forêts sont valorisées pour le bois d’oeuvre qui comprend surtout du bois de charpente ou du bois de construction et qui représente 3/4 de la récolte annuelle soit un volume de 180 000 m³. En raison de l’enneigement, les coupes s’eff ectuent de mai à novembre et, pour garantir des livraisons toute l’année, des stockages sont réalisés en forêt et aussi sur des plateformes dédiées pour alimenter en circuits courts les scieries de Savoie et des départements voisins. Après une belle croissance, la récolte en bois énergie a stagné ces 10 dernières années avant de repartir de plus belle en raison des phénomènes de dépérissement et d’une ressource donc de plus en plus importante. Enfin, l’accueil du public dans nos forêts, c’est aussi de l’emploi. La sylvothérapie, les bains de forêt sont de plus en plus populaires. C’est bien connu, une journée en forêt c’est 8 jours de santé !"