Inauguration du Musée Savoisien

écrit le 27 avril 2023

Avant son ouverture au public samedi 29 avril, le musée a été officiellement inauguré ce matin par Hervé Gaymard. Voici dans son intégralité le discours que le Président du Conseil départemental a prononcé à cette occasion.

Le coupé de ruban

"Ici-même, il y a cent-dix ans, le Musée Savoisien ouvrait ses portes dans l’ancien palais archiépiscopal, tombé en déshérence après les lois de séparation des Eglises et de l’État. L’idée en revient à Pantaléon Costa de Beauregard, premier président du Conseil Général de la Savoie en 1860. Trop tôt disparu en 1864, il ne verra pas son rêve se réaliser, d’abord en 1889 au Château des Ducs de Savoie, puis en 1913 dans ce lieu exceptionnel, cher au cœur des Chambériens et de tous les Savoyards.

Son ambition ?  Rassembler « les souvenirs [de l’histoire savoyarde] et les monuments de son passé » car il n’est « rien de plus intéressant et de plus instructif que ces collections provinciales où l’homme qui aime son pays et qui veut le connaître peut étudier sur des documents authentiques l’origine, les croyances, les mœurs, l’industrie et la vie intellectuelle des générations qui l’ont précédé ». 

C’est cette ambition originelle, qu’il fallait métamorphoser et développer avec de nouveaux outils, qui m’ont conduit à proposer en 2008, à Bernadette Laclais, alors Maire de Chambéry, que le Département prenne la gestion pleine et entière du Musée Savoisien, pour le restructurer et le moderniser. Après tant d’années de conception, de travaux, et de péripéties inhérentes à la conduite de tels projets, nous y sommes ! Et ne boudons pas notre plaisir.

Nous allons donc découvrir ensemble le résultat de trois chantiers inédits, pour ouvrir enfin au public un musée d’exception.

Le premier chantier est l’inventaire des collections et leur restauration. Nos agents ont fourni un travail de véritables bénédictins : 100 000 objets des collections départementales stockés dans les combles du musée, ont dû être décrits, enregistrés, photographiés et conditionnés. Près de 1500 objets, destinés à être présentés dans le parcours permanent, ont également fait l’objet d’une campagne de restauration, avec certaines interventions particulièrement spectaculaires comme la restauration de la pirogue ou encore la découverte inédite d’un 37ème portrait des princes de la famille de Savoie caché derrière…le 36ème ! Ce travail d’inventaire au long cours s’achèvera avec l’emménagement de nos collections dans le futur Centre de conservation des collections départementales, d’ores et déjà en cours de réalisation et qui constitue le second volet de cette renaissance, pour conserver les œuvres dans les meilleures conditions.

Le second chantier fut de concevoir un nouveau projet muséal, pour offrir aux Savoyards des deux départements et à tous les visiteurs,  une exposition permanente de référence sur l’histoire et les cultures de Savoie.

Nous avons donc engagé une politique d’acquisition de grande ampleur. Pour approfondir les thématiques qui faisaient la richesse et la spécificité du Musée, notamment l’archéologie lacustre et l’ethnographie rurale de la première moitié du XXe siècle, mais également pour s’ouvrir à de nouveaux champs patrimoniaux, pour renforcer nos collections contemporaines, et illustrer l’histoire géopolitique du territoire, du Moyen Âge à 1860. 

Je citerais entre autres, la pirogue carolingienne du lac du Bourget, un diptyque gothique volé en 1992 au musée, racheté par des Hollandais à un antiquaire d’Harlem, ou  bien encore un ensemble de 500 objets-souvenirs alpins contemporains. Et je voudrais remercier les nombreux  Savoyards qui ont contribué à enrichir le parcours par leurs dons : costumes traditionnels, matériel sportif, outils d’artisans, portraits, productions commerciales et industrielles du territoire.

Troisième et dernier chantier, et pas des moindres, celui du bâtiment, mené à bien par le groupement d’architectes de Pascal Prunet et d’Adeline Rispal.  Un défi inédit à relever, dans ce bâtiment complexe, constitué de plusieurs niveaux, construits et reconstruits sur près de neuf siècles.

Imaginer un parcours scénographique original dans ce lieu et des aménagements à la hauteur du trésor que constituent par exemple les peintures de Cruet, relevait d’une raisonnable folie, domptée finalement avec brio. Tout cela, sans compter en 2018 et 2019 deux campagnes de fouilles, qui ont mis au jour l’histoire méconnue du couvent franciscain ou encore la parenthèse pandémique qui a perturbé les travaux pendant des mois. Un nécessaire goût de l’effort et de l’adaptation, largement récompensé par la beauté de l’œuvre réalisée, sublimée par la mariage de la pierre, du verre, et du bois.

 

C’est donc aujourd’hui une véritable renaissance que nous fêtons : les Savoyards pourront découvrir ou redécouvrir notre fier pays des Allobroges dans toutes ses dimensions, temporelles et spatiales, et ce, dans un lieu unique car l’histoire des anciens États de Savoie n’est racontée nulle part ailleurs, ni en Savoie, ni en Haute-Savoie, pas davantage dans le Piémont.

Mettre en valeur l’histoire géopolitique singulière de la Savoie dans une perspective européenne, révéler une société en mutations, donner une place à l’urbanité et à l’industrialisation, comprendre l’impact du tourisme sur les cultures de la Savoie, saisir les enjeux liés au dérèglement climatique, sont autant d’enjeux scientifiques, culturels et économiques qu’appréhende cette nouvelle collection.  Du disque néolithique de -5500 av JC, au Sanatorium du plateau d’Assy, en passant par les diables de Bessans, chaque œuvre ou objet présenté sont des tranches de vie populaires, qui, rassemblées, constituent une monographie passionnante de notre territoire. C’est précisément 2222 objets qui prennent sens dans ce nouvel écrin architectural resté fidèle à la sobriété franciscaine et montagnarde.

Vous l’aurez donc compris, ce Musée ne présente pas une histoire lisse, idéalisée, uniquement folklorisante, même si nous sommes fiers de notre folklore. Notre ambition a été de trouver un équilibre entre réflexion et tradition, en parcourant ses six espaces thématiques, qui interrogent autant qu’ils instruisent. Cette belle œuvre collective est fondée sur les acquis les plus récents de la recherche scientifique, ainsi que sur des entretiens et un dialogue permanent avec les universitaires, chercheurs, experts et professionnels de tous les domaines.

Et ce n’est pas par hasard que notre Savoisien est en plein cœur de la Cité, sur cette place Métropole, qui n’aura jamais aussi bien porté son nom qu’aujourd’hui. Comme l’histoire et la culture ne sommeillent jamais, nous avons fait le choix de donner à ce musée une véritable place centrale dans la vie culturelle savoyarde en le rendant accessible à tous, grâce à la gratuité, et en proposant un riche programme d’expositions temporaires, spectacles et concerts et une offre de médiation variée. Cela fera du Musée Savoisien un lieu de réflexion, de transmission et de partage, vivant et ouvert, avec une attention particulière portée à l’accompagnement des publics jeunes ou éloignés de la culture.

Bien sûr, tout le patrimoine savoyard n’a pas vocation à rejoindre le Musée Savoisien, qui grâce à son rayonnement sera une tête de réseau. J’ai donc souhaité que ce musée travaille en collaboration étroite avec les autres musées de Savoie, de Haute-Savoie, et de l’aire alpine, ainsi qu’avec les associations, collectionneurs et détenteurs de savoir-faire, d’histoire et de mémoires. Le Musée Savoisien sera ainsi la figure de proue de notre ambition, invitant derrière lui à découvrir ou redécouvrir d’autres lieux, paysages, patrimoines.

Esprit de découverte, qui sera également pleinement satisfait par notre nouveau musée virtuel. Ce catalogue de près de 90 000 œuvres et objets numérisés, d’ores et déjà consultables, est un outil majeur au service d’une curiosité que l’on souhaite la plus vive possible.

La renaissance de ce musée constitue un jalon important pour l’histoire de la Savoie et des Savoyards. La connaissance de notre « petite patrie », de ceux qui ont fait ce qu’elle a été, de ceux qui font ce qu’elle est aujourd’hui et sera demain, passe par l’intégration collective du temps long, révélateur des continuités, mais aussi des mutations et des ruptures.

Nous en avons tellement besoin dans les saisons gâtées et amnésiques que nous traversons, abrutis que nous sommes par un flux incessants d’informations non hiérarchisées, en perte de repères, d’ancrages et de discernement. Comme le prophétisait Bernanos, « la civilisation moderne est une conspiration universelle contre toute espèce de vie intérieure. » C’est parce que nous sommes enracinés que nous devons prendre de la hauteur, pour remettre du « commun » au milieu de nos vies, de nos  villages et de nos villes. C’est une mission qui incombe naturellement aux acteurs publics que nous sommes, élus et agents du service public qui nous accompagnent.

Appréhender l’environnement et le bâti comme un patrimoine culturel, comme des biens hérités qui s’inscrivent dans notre histoire collective, nécessite un travail de révélation du regard sur un objet, qui le transfigure d’une valeur d’usage à une valeur de bien commun. C’est pourquoi des actions de sensibilisation, de médiation, d’animation sont fondamentales pour faire prendre conscience de la diversité et de la fragilité de nos héritages. Cette volonté consacre aussi l’ambition de tisser du lien avec de nouveaux publics, pour qu’ils apprivoisent le musée, en deviennent des ambassadeurs et participent activement à la conservation et la transmission du patrimoine savoyard.

La philosophe Simone Weil nous a laissé ce précieux viatique : il est « nécessaire de donner aux Français quelque chose à aimer. Et leur donner d’abord à aimer la France[1] ».  En cette période où le « commun » de notre destin est de plus en plus difficile à trouver, « donner à aimer la Savoie » est devenue une simple, mais impérieuse nécessité, pleinement satisfaite grâce au nouveau Musée Savoisien, qui allie le patrimoine, la vie, et la construction de l’avenir.

 

Je voudrais pour terminer remercier Jean Luquet et Florence Beaume, successivement à la tête de la Direction des archives, du patrimoine et des musées, et leurs équipes, et bien sûr Marie-Anne Guérin et Sébastien Gosselin, pour leur patience et leur entrain, ainsi que Pascale Clerec et ses collaborateurs des services des bâtiments notamment Ludovic Maitrehanche, sans oublier Yves Sarrand puis Nicolas Martrenchard, ainsi que Gilles Imbert et Christophe Salvat, et tous les agents du Département. Merci à Renaud Beretti, vice-président en charge des Finances et de la Culture, qui pour une fois vont de pair, d’avoir suivi ce chantier avec passion.

Je remercie également nos partenaires financiers, l’État et la Région, ainsi que les institutions et particuliers, donateurs ou déposants, aux professionnels et entreprises qui ont collaboré au projet.

A l’image des cairns aux abords de nos sentiers montagnards, chacun apporte quotidiennement sa pierre à l’édifice pour tracer le chemin continu d’une Savoie rayonnante, solide et exigeante.

Pour conclure, je nous donnerai à méditer cette phrase de Malraux : «  la culture est « cette invincible permanence de ce qui a triomphé de la mort » et qui a permis  « au fil des siècles à l’homme d’être toujours plus libre. » Fidèles à cet esprit, nous savons que la culture savoyarde demeurera toujours plus grande que nous, mais nous rappelle aussi à quel point nous devons continuer à en être les premiers ouvriers.

 

Merci à tous et bonne découverte."

 

[1] L’Enracinement, Simone Weil, Texte établi par Albert Camus, Gallimard, 1949

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