Session du Conseil départemental de la Savoie
Vendredi 15 novembre 2024
DÉBAT D’ORIENTATIONS BUDGÉTAIRES 2025
DISCOURS DE M. HERVÉ GAYMARD
Président du Conseil départemental de Savoie
Monsieur le Préfet,
Mes chers collègues,
Nous nous retrouvons aujourd’hui pour notre débat sur les orientations budgétaires et financières, que nous présentera Renaud Beretti dans quelques instants.
L’environnement économique est marqué par une activité peu dynamique et une désinflation qui semble pérenne. La croissance du Produit Intérieur Brut (PIB) français pourrait ainsi atteindre 1,1% en 2024 d’après l’INSEE et le FMI, comme en 2023, pour se prolonger au même niveau en 2025. Les taux d’intérêts, après avoir fortement progressé, tendent désormais à diminuer, sous l’effet de la révision de la politique de la Banque Centrale Européenne, qui a, depuis l’été, abaissé à plusieurs reprises ses taux directeurs.
Ces évolutions économiques interviennent dans un contexte géopolitique préoccupant en Ukraine et au Proche Orient. Le résultat de l’élection présidentielle américaine, laisse augurer une guerre commerciale mortifère, et conduira l’Europe à des révisions déchirantes, alors même que le moteur franco-allemand semble durablement en panne.
Le déficit budgétaire de l’Etat s’élève à 6,1% et l’endettement à 112,9% du PIB en 2024. Le projet de loi de finances initial pour 2025 présenté par le Gouvernement prévoit diverses mesures destinées à enrayer cette dégradation continue, qui auront de douloureuses conséquences financières pour les collectivités territoriales.
Ces dispositions consistent à réduire certaines recettes perçues par les collectivités locales (TVA en 2025, baisse du taux du fond de compensation de la TVA etc…) ou à renforcer la péréquation horizontale entre collectivités (fonds de résilience). Les marges de manoeuvre du Département seront donc impactées, alors que nous sommes déjà confrontés à un fort « effet de ciseaux » depuis 2023, en raison de la baisse de rendement des droits de mutation à titre onéreux et de la progression rapide des dépenses de fonctionnement et de solidarité.
Les orientations budgétaires de notre collectivité s’apprécient donc dans ce contexte à la fois incertain et de forte contrainte financière.
Elles donnent priorité à la cohésion, au développement et à la transition écologique.
C’est pourquoi les politiques départementales sont ordonnées autour de la priorité environnementale, avec les restructurations des bâtiments et collèges, l’utilisation de techniques bas-carbone pour nos chaussées, l’électrification de la flotte de nos véhicules, la réalisation de centrales photovoltaïques mais également des actions plus ambitieuses dont les effets se mesureront tout au long des prochaines années. Marie-Claire Barbier nous en donnera quelques exemples à l’occasion de la présentation du rapport, ô combien important, sur la situation en matière de développement durable de notre collectivité.
Ces orientations budgétaires priorisent également nos politiques de solidarité, en faveur des personnes âgées, des personnes handicapées, de la protection de l’enfance ou de la cohésion sociale, en lien avec les organismes et associations accompagnant les publics les plus fragiles.
Nous prévoyons donc une hausse de nos dépenses relatives à ces politiques, en privilégiant la prévention et l’accompagnement, car ces actions concourent, nous le savons bien, à la maitrise de dépenses curatives ultérieures.
Nous maintiendrons également notre soutien à l’investissement des maisons de retraite et des établissements de protection de l’enfance. Ces aides que nous détaillerons ce matin permettront d’achever les restructurations nécessaires, avec le concours de l’État et des autres partenaires, afin d’atteindre un standard de qualité de l’hébergement plus homogène dans les lieux de vie des personnes âgées et des enfants confiés. Les établissements accueillant des personnes handicapées continueront d’être accompagnés via les contrats pluri annuels d’objectifs et de moyens.
Cette volonté de rénovation des bâtiments se heurte toutefois à un renchérissement du coût des opérations sous le double effet de celui de la construction et de taux d’intérêt qui restent encore trop élevés. Le seul engagement du Département ne saurait suffire. J’en appelle ainsi à la mobilisation de tous, État, Agence Régionale de Santé et collectivités locales. Ce n’est qu’ensemble que nous réussirons à relever les défis qui sont devant nous.
D’une manière générale, nous confirmons notre volonté de maintenir un haut niveau d’investissement, avec un volume de 713 M€ entre 2025 et 2029, soit 143 M€ en moyenne annuelle, à comparer à 111 M€ en 2023 et 139 M€ en 2024.
Bien que notre collectivité présente une structure financière solide, grâce notamment à la réserve de 60 M€ d’excédents de droits de mutation que nous avons, opportunément, su provisionner ces deux dernières années, nous nous devons donc d’adopter, pour 2025 et les années à venir, une stratégie budgétaire de maîtrise de nos dépenses encore plus rigoureuse nous permettant, à la fois, de mettre en oeuvre nos compétences obligatoires et nos actions prioritaires, et de faire face à la progression de leurs coûts. Cette maîtrise est rendue encore plus nécessaire avec la baisse de nos ressources, induite, en particulier, par les dispositions annoncées au plan national.
En effet, en 2028, notre capacité de désendettement pourrait atteindre un niveau élevé de 12 ans de notre excédent de fonctionnement, voire un niveau bien plus élevé encore si les mesures annoncées par l’État étaient confirmées.
Ce matin nous examinerons également la décision modificative n°1, que nous présentera Vincent Rolland. C’est une Décision Modificative d’un montant modeste, qui prévoit 12 M€ de dépenses en moins, liées essentiellement au retard de certaines opérations. Couplée avec une légère hausse de nos recettes, nous pourrons ainsi diminuer notre besoin d’emprunt d’environ 17 M€ pour le porter ainsi à un peu moins de 50 M€.
Notre collègue Nathalie Fontaine nous présentera le rapport annuel sur la situation en matière d’égalité entre les femmes et les hommes, et nous proposera à cette occasion un nouveau Plan d’égalité professionnelle femmes-hommes pour la période 2025-2027. Nous sommes d’ailleurs dans une situation étrange : notre collectivité pourrait se voir attribuer une mauvaise note parce que la proportion de femmes serait trop élevée, avec 60% des postes de direction, 6 femmes dans les 10 plus hautes rémunérations, une rémunération plus élevée de 4,6 %, et plus nombreuses à être promues. Grâce à l’action de Brigitte Bochaton hier et de Nathalie Fontaine aujourd’hui, nous sommes fiers et heureux de pouvoir afficher ce résultat que nous assumons. J’en remercie aussi les collaborateurs de notre collectivité, femmes et hommes !
Je voudrais pour terminer évoquer un certain nombre de sujets d’actualité.
Et d’abord la question cruciale des transports collectifs.
Je vous propose, mes chers collègues, de formaliser officiellement la participation du Département au financement des études sur les accès Français du Lyon Turin, dont nous avons abondamment débattu lors de sessions antérieures.
Mais le Lyon-Turin n’est pas tout. Vous savez mon attachement, Monsieur le Préfet, à intégrer certains investissements structurants dans l’accord élaboré par l’Etat et la Région sur le volet mobilité du CPER, que nous espérons voir aboutir prochainement.
Plusieurs projets nécessitent notre mobilisation de tous les instants.
Tout d’abord, le projet de Service Express Régional Métropolitain de Chambéry – dit SERM – qui consiste à organiser les réseaux de mobilité dans une approche réellement multimodale couvrant l’Ouest de la Savoie, et avec une offre de mobilité propre et facile d’accès y compris et surtout pour les secteurs périurbains et ruraux. Après avoir été officiellement labellisé en juin dernier, le projet de SERM de Chambéry qui se structurera évidemment autour de l’armature ferroviaire de ce territoire, fait l’objet d’échanges importants entre les partenaires concernés et je vous proposerai dès que possible d’en formaliser l’engagement de notre collectivité.
Je me réjouis par ailleurs de l’installation attendue du Syndicat des Mobilités de l’Ouest Savoyard, le SYMOS. Ce syndicat s’est donné un objectif clair : accroitre et rendre plus efficiente l’offre de mobilité entre nos trois agglomérations de l’Ouest savoyard : Grand Lac, Grand Chambéry et Coeur de Savoie. La démographie croissante de ces territoires et la nécessité de décarboner des déplacements devenus de plus en plus nombreux nous ont conduits à unir nos forces. Dès l’origine et je dirais même à son initiative, le Département a pris part à ce nouveau projet si important pour le quotidien des habitants. Le Département et les 3 collectivités partenaires concernées doivent désormais travailler dans un esprit de confiance, au seul bénéfice des usagers.
N'oublions pas la relation ferroviaire entre la Savoie et la Métropole lyonnaise, notamment pour ce qui relève des mobilités du quotidien, lancinant sujet de préoccupation. Nous n’avons jamais séparé notre soutien au fret ferroviaire Lyon-Turin de l’exigence de la fiabilisation et l’amélioration de l’offre TER sur la ligne Saint-André-le-Gaz-Chambéry-Aix-les-Bains-Annecy. Ceci nécessite des investissements conséquents et nous attendons, là-aussi, que ceux-ci soient bien inscrits Monsieur le Préfet dans le CPER mobilités.
Mais il ne faut pas s’arrêter là. La desserte de nos vallées alpines reste un chantier à part entière, qu’il nous faut concrétiser pour la mobilité du quotidien mais aussi pour répondre aux enjeux posés par notre économie touristique, que ce soit en termes de capacité, de sécurité ou de décarbonation des flux de transport. Dans le contexte de l’organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques de 2030, nous devons absolument nous saisir de cette question et de la part qui doit être assumée par le ferroviaire, afin que soit décidé rapidement le programme d’investissement à mettre en oeuvre.
Une opération majeure se trouve à la croisée des programmes que je viens d’évoquer : le noeud ferroviaire de Montmélian avec le projet d’un « saut de mouton ». Cet ouvrage est prévu de longue date dans le cadre du Lyon-Turin : nous savons que cette réalisation est indissociable de toute amélioration générale du réseau ferroviaire savoyard. L’État, Monsieur le Préfet, doit prioriser à tout prix cet investissement, techniquement et juridiquement prêt. Il en va de l’efficacité du cadencement ferroviaire de l’ensemble de nos agglomérations, de nos vallées et de nos liaisons internationales avec l’Italie.
En Maurienne, nous avons organisé le 25 octobre dernier une visite de presse du chantier de la Praz. Les journalistes ont su bien mieux que nous raconter le chantier et partager le quotidien de nos équipes et de celles qui oeuvrent pendues à des cordes, tous les jours, pour sécuriser la falaise. Nous voyons maintenant le bout de ce chantier, après plus d’un an d’efforts soutenus et d’un engagement humain constant et sans précédent. Les travaux de sécurisation seront terminés fin novembre et chacun des gestionnaires pourra alors engager ses propres chantiers : en priorité SNCF réseau dans la perspective du rétablissement de la ligne vers l’Italie en mars, la SFTRF pour la protection des piles du viaduc de l’A43, et enfin le Département pour la remise en état de la RD 1006, avec un objectif de réouverture souhaité en avril.
Nos routes et nos paysages seront l’été prochain encore à l’honneur pour le passage du Tour de France dont le parcours a été dévoilé le 29 octobre, avec une parité totale avec 2 étapes hommes, 2 étapes femmes et 2 étapes du Tour amateurs. Les Savoyards et nos visiteurs auront de nombreuses opportunités de voir passer le Tour, et pour ceux qui suivent les retransmissions télévisées d’admirer de belles images de la Savoie. Nos équipes, comme elles savent le faire chaque année, seront fortement impliquées pour la sécurité de cet évènement festif.
S’agissant du tourisme, après bien des péripéties dont nous nous serions bien passées, la promotion de notre territoire reprendra bientôt un cours plus normal. L’Assemblée générale constitutive du Comité départemental du tourisme s’est en effet tenue le 25 octobre dernier. C’est un acte important pour la poursuite de l’énorme travail de promotion du territoire effectué par les salariés de l’Agence Savoie Mont-Blanc dont une partie conséquente intégrera cette nouvelle structure. Qu’ils en soient encore une fois très sincèrement remerciés.
Et j’adresse, bien sûr, toutes nos félicitations à notre collègue Vincent Rolland qui en a été élu à l’unanimité Président. Merci également à Franck Lombard pour avoir piloté la phase préparatoire ayant permis la mise en place de notre futur outil de promotion du tourisme que nous espérons opérationnel dans le courant du premier trimestre 2025.
Et comme le tourisme rime avec agriculture, je voudrais me féliciter de la conclusion des contrats de filières agricoles et forestières que nous avons lancés hier à Apremont avec Gilbert Guigue, de nombreux élus du Département et tous les représentants agricoles et forestiers.
Nous restons, vous le savez, également très mobilisés sur les dossiers industriels. Je vous proposerai l’année prochaine d’organiser une session dédiée à l’industrie et à l’énergie, avec tous les partenaires concernés, car ce qui fait l’attractivité de notre territoire, c’est également son tissu industriel. À ce titre, nous sommes avec Nathalie Fontaine très vigilants sur la situation de l’entreprise Runipsys à Méry qui fabrique des moules pour l’industrie automobile. Nous souhaitons que les actionnaires précisent leur stratégie et ce, quelle qu’elle soit, et ne laissent pas les salariés dans l’ignorance voire pour certains sans activité véritable. Nous sommes intervenus afin de saisir le propriétaire Coréen sur cette situation.
Après avoir éprouvé les pires craintes, je voudrais saluer la reprise de Niche Fused Aluminia par Alteo, qui permettra de préserver des emplois à la Bâthie et donne des perspectives à cette usine emblématique de notre territoire. Je voudrais remercier tous les élus savoyards qui se sont mobilisés ainsi que les services de l’État, à Matignon, à Bercy, ainsi que la Banque Publique d’Investissement.
Je vous remercie.