Plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC)

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Cahier d’acteur – Contribution du Conseil départemental de la Savoie

Les zones de montagne recouvrent près du quart du territoire métropolitain, et deux communes sur dix sont des communes de montagne. En intégrant les villes et piémonts, c’est près du tiers de la surface métropolitaine et un quart des communes qui sont situées en zone de massifs. Or, la question de l’adaptation des territoires de montagne est essentiellement abordée dans le PNACC 3 sous l’angle des activités touristiques, délaissant d’autres enjeux majeurs, au premier rang desquels l’impact des risques naturels accrus sur la pérennité des infrastructures en zone de montagne. Le Département de la Savoie, tout en saluant l’ambition de la démarche portée par la nouvelle stratégie française énergie climat mise en consultation, propose des compléments à ce nouveau plan d’adaptation pour mieux y intégrer les enjeux des territoires de montagne.

Les territoires de montagne : avant-postes du changement climatique

Le niveau différencié de réchauffement attendu entre les territoires français est bien identifié dans le PNACC. Les territoires de montagne font justement partie des zones du pays qui se réchauffent le plus vite. Dans les Alpes du nord, le niveau de réchauffement a atteint sur l’année 2022 le niveau record de +3°C par rapport à la moyenne 1961 – 1990(1). Ce réchauffement a plusieurs conséquences déjà très visibles (recul des glaciers, remontée de la limite pluie-neige, augmentation des phénomènes de gel-dégel), qui accroissent significativement les risques naturels et la dégradation des infrastructures.
Au réchauffement s’ajoute l’augmentation des anomalies de précipitations, à la hausse comme à la baisse. Le mois de novembre 2023 a ainsi connu un excédent de +200% de cumul de précipitations relativement à la normale (1) sur une partie du territoire de la Savoie. Ces pluies extrêmes de novembre et décembre 2023 ont entraîné 300 aléas naturels ayant impacté les infrastructures du Département, pour un coût total de réparation estimé à 20 millions d’euros.
(1) Source : Observatoire du changement climatique dans les Alpes du Nord (OBSCAN) de l’Agence alpine des territoires (AGATE-CPIE), soutenu par le CD73.

Risque naturel en montagne : une prise en compte qui doit aller au-delà des risques glaciaires et périglaciaires pour intégrer l’ensemble des risques géologiques.

La mesure 6 du PNACC 3 vise à mieux anticiper les risques d’origine glaciaire et périglaciaire en renforçant les moyens de recherche et de diagnostic, ainsi qu’en accompagnant les collectivités dans la mise en place de dispositifs de surveillance.

Toutefois, l’augmentation du risque gravitaire en montagne va au-delà des risques liés à la fonte glaciaire et au dégel du pergélisol en haute-montagne. Les chutes de blocs et effondrements de parois rocheuses sont plus nombreux, plus intenses et peuvent survenir à toutes les altitudes, en raison de la combinaison de plusieurs phénomènes (sécheresses, vagues de chaleur, pluies extrêmes, alternance de gel-dégel). Les coulées de boue et laves torrentielles sont rendues plus probables avec l’augmentation des précipitations extrêmes et la hausse de la limite pluie-neige. Enfin, l’alternance de gel-dégel et les pluies intenses qui déstabilisent les sols, ainsi que les crues des cours d’eau qui fragilisent les berges à proximité des infrastructures, conduisent à une multiplication des affaissements, voire effondrements de talus et chaussées. L’humidification et l’augmentation de la densité de la neige, qui va de pair avec la remontée de l’isotherme 0°C, accroit le risque d’avalanche et peut mettre en péril la viabilité des ouvrages de protection.

Il apparaît donc nécessaire de mieux anticiper l’ensemble de ces risques et de donner aux collectivités les moyens nécessaires pour les prévenir. A ce titre, la qualité des prévisions météorologiques en montagne est un facteur essentiel pour l’anticipation des différents risques (nivologique, hydrologique…). A l’image de la station de Bourg-Saint-Maurice, dont l’activité a été pérennisée grâce l’engagement du Département et des collectivités du territoire, il apparaît donc nécessaire de renforcer les moyens locaux de Météo France.
L’action 4 de la mesure 6, dédiée au développement d’une culture du risque, mériterait d’être élargie à l’acculturation au risque gravitaire de façon plus générale, car il touche toutes les altitudes, des vallées aux zones glaciaires.

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© Radio France - Margaux Longeroche
Effondrement sur une route départementale à Gerbaix, en Savoie, décembre 2023. 

Infrastructures en zone de montagne : un besoin d’accompagnement ciblé et opérationnel sur la stratégie d’adaptation

La mesure 30 du PNACC 3 vise à déterminer la vulnérabilité des infrastructures de transport et à proposer des plans d’adaptation en conséquence. Les phénomènes ayant touché les vallées de la Roya et de la Vésubie en 2020 et 2023, ainsi que l’effondrement de la falaise de la Praz en Maurienne en 2023, sont mentionnés à juste titre par le document comme des premiers exemples de ce qui risque de se multiplier dans nos massifs aux horizons 2050 puis 2100.

Les infrastructures en zones de montagne, et notamment les infrastructures de transport (routes et ouvrages d’art) sont en effet soumises à des aléas qui augmentent en fréquence et en intensité. Le risque gravitaire mentionné ci-dessus accroît les destructions et dégradations. Les crues accélèrent également l’érosion des berges et menacent routes et ponts. Le coût croissant de ces aléas naturels amène les maîtres d’ouvrage publics à se questionner sur la soutenabilité budgétaire à moyen-long terme du maintien en état des infrastructures et du niveau de service associé.

Le Département de la Savoie est d’ores-et-déjà confronté à une problématique d’effet de ciseau : dans un contexte budgétaire qui se resserre fortement, il doit consacrer des moyens exceptionnels à la remise en état des infrastructures de transport, dont certaines constituent des points de passage structurants pour les mobilités régionales, voire internationales (gorges de l’Arly, secteur de la Praz, tunnel des Echelles…). Le caractère « exceptionnel » de ces interventions étant de plus en plus remis en question, le PNACC 3 doit être l’occasion pour l’Etat et ses opérateurs d’accompagner les collectivités dans l’établissement d’une stratégie d’adaptation pleinement opérationnelle, comprenant 2 volets :

➢ Un diagnostic des zones à risque suffisamment précis pour être un outil de décision. Les études de vulnérabilité existantes (par exemple celle réalisée sur le réseau de la DIR méditerranée) restent à un niveau trop macroscopique pour permettre d’anticiper correctement les risques et mesurer le coût de l’inaction. Dans la même logique que les études CLIMSNOW pour l’adaptation des stations de montagne, l’analyse ne peut se faire qu’à une maille très fine, à l’échelle de tronçons de réseau ou de points d’intérêt (ouvrages), sans quoi elle n’apporte aucune valeur ajoutée. Si le Département de la Savoie est également impliqué dans des projets nationaux destinés à développer des outils de prévision de l’aléa gravitaire (C2ROP, SIGALE, VigiMouv), la transition vers des outils plus opérationnels à l’échelle d’un réseau routier reste en devenir.
➢ Un accompagnement sur la stratégie d’entretien du réseau et les critères de priorisation à adopter lorsque les moyens sont insuffisants pour traiter l’ensemble des besoins. Parmi les principes clés du PNACC figure la priorisation. Toute stratégie publique doit faire des choix en matière d’adaptation, eu égard à l’ampleur de certains chantiers et des coûts qu’ils induisent (sic). Le PNACC 3 préconise ainsi à juste titre, dans son introduction, de calibrer le curseur au niveau local entre l’adaptation à tout prix et la non-adaptation. Pour cela, des indicateurs et critères de choix sont nécessaires. Il est essentiel que l’accompagnement proposé aux collectivités, au travers des mesures 22 et 25 du PNACC (en particulier la mission Adaptation) apporte une méthode de priorisation concrète, opérationnelle, et partagée entre les acteurs.

2025 03 La praz CVuedici 1020 © vuedici.org
Les travaux de purge et de sécurisation de la falaise de la Praz en Maurienne ont représenté un défi technique et financier. Le chantier a représenté plus de 13 millions d’euros. A cela doivent s’ajouter les coûts de remise en état de la voirie départementale et de l’infrastructure ferroviaire.

Cycle de l’eau en zone de montagne : des enjeux insuffisamment pris en compte

Qu’il s’agisse de la prévention des crues et inondations ou de la préservation de la ressource, les enjeux spécifiques liés à l’eau en zones de montagne sont mal identifiés dans le PNACC.

Bien que la mesure 3 du PNACC mette l’accent sur les zones littorales, la prévention des crues et inondations est également un sujet saillant en zone de montagne. La remontée de la limite pluie-neige et les épisodes de précipitations intenses accroissent les phénomènes de crues en vallées. La remise en état des ouvrages de protection contre les crues (très nombreux et souvent anciens) constitue un défi particulier pour les territoires de montagne. Le PNACC 3 doit être l’occasion de renforcer et pérenniser le soutien l’Etat pour la mise en conformité de ces ouvrages, a fortiori sur les digues domaniales dont le transfert a été opéré en 2024 dans des conditions non satisfaisantes.

La mesure 21 du PNACC occulte le rôle essentiel des barrages hydroélectriques pour la préservation et le partage de la ressource en eau dans un contexte de changement climatique en montagne. Le PNACC doit mieux identifier le rôle clé des concessions hydroélectriques dans l’adaptation des usages de l’eau en zone de montagne : participation à une gestion équilibrée de la ressource et prise en charge des conséquences des aménagements sur la morphologie des cours d'eau. En outre, le rôle d’écrêtement des crues de certains barrages devrait être mieux identifié.

Enfin, de façon similaire au constat posé sur l’adaptation des infrastructures, les études et diagnostics qui seront réalisés au travers des mesures 21 et 22 du PNACC devront être suffisamment localisées et opérationnelles pour permettre aux collectivités d’agir concrètement en faveur d’une meilleure gestion de la ressource en eau. Les cartes de vulnérabilités existantes, comme celles développées par l’Agence de l’eau Rhône-méditerranée, restent trop macroscopiques pour constituer une valeur ajoutée décisionnelle. Les syndicats mixtes gestionnaires de bassins versants sont la maille la plus adaptée pour porter des études détaillées, qui doivent être soutenues et valorisées dans le cadre du PNACC.

Forêt : une nécessité de disposer des moyens et des leviers à la hauteur des enjeux

L’adaptation de la forêt française au changement climatique nécessite des moyens et leviers à la hauteur des enjeux en matière de biodiversité, d’économie locale, de prévention des risques, de qualité de l’eau et des paysages. En Savoie, ce milieu représente 1/3 de l’occupation des sols. Dans un contexte de changement climatique accéléré en montagne, l’évolution des forêts impacte et impactera tout le territoire.

La mesure 38 du PNACC ne prend pas la pleine mesure de l’urgence à agir pour renouveler et adapter la forêt française face à la crise de mortalité qu’elle subit. Dans les zones de massifs, le volume de bois scolytés augmente de plus en plus rapidement. En 2023, en forêt publique, l’ONF a récolté près de 130 000m3 de bois scolyté sur les deux Savoie. Et à l’automne 2024, les volumes annuels atteignaient déjà 110 000 m3 malgré une forte pluviométrie estivale. La compatibilité climatique de l’épicéa, qui représente un tiers de la surface forestière en Savoie, est remise en question à basse et moyenne altitude. Le sapin, jusqu’à maintenant relativement épargné, commence également à donner ponctuellement des signes de dépérissement.

Pour endiguer l’effondrement du puits forestier et atteindre l’objectif du projet de SNBC 3 de renouveler de 10% de la surface forestière sur les 10 prochaines années, le PNACC 3 doit donner les moyens financiers, humains et réglementaires à l’ONF et aux collectivités pour mobiliser et valoriser le bois atteint, afin de régénérer les zones sinistrées en implantant ou favorisant des essences et des sylvicultures adaptées. Ces moyens doivent également intégrer le suivi dans le temps de ces plantations et les travaux nécessaires à leur réussite sur le moyen terme.

Pour permettre cet effort de renouvellement, l’appui à l’amélioration des accès en forêt reste une condition primordiale pour conserver une capacité à intervenir en montagne, que ce soit pour les aspects sylvicoles mais aussi pour limiter l’augmentation des risques liés aux impacts du changement climatique sur les forêts (incendie, chute de bloc …). Cela doit s’accompagner d’un effort massif pour aider le secteur des travaux forestiers et de l’exploitation forestière à se structurer, à se former et à recruter. C’est le maillon de la filière qui conditionnera le niveau d’adaptation des forêts et la sylviculture mise en place dans le futur.

Le développement de la capacité de la filière bois à produire des matériaux de construction biosourcés et une source d’énergie renouvelable fait partie de la réflexion globale sur l’adaptation des forêts au changement climatique. Il est effectivement vital que cette économie du bois s’adapte en parallèle de l’adaptation de la forêt à moyen terme en développant une capacité à transformer et valoriser de nouvelles essences. Elle doit également intégrer le très court terme, en favorisant la valorisation des produits sanitaires actuellement mobilisés. Des moyens financiers et réglementaires pourraient être notamment mis en oeuvre pour faciliter et inciter l’usage des bois scolytés dans la construction. Cette valorisation doit permettre de limiter les impacts financiers pour les propriétaires et préserver leur capacité à investir dans la forêt de demain.

L’enjeu de l’adaptation est particulièrement important dans les forêts de protection : des moyens importants doivent être mobilisés pour anticiper leur dépérissement en favorisant leur renouvellement progressif. Ce renouvellement nécessite le maintien d’outils d’intervention spécifiques à des espaces souvent très difficiles d’accès. Un travail de fond doit notamment être mis en oeuvre sur le développement du câble en France. Ce type d’exploitation demande des investissements lourds et complexes à amortir sans une visibilité claire et durable des chantiers à mettre en oeuvre. L’ONF fait partie des acteurs ayant un rôle essentiel à jouer dans ce domaine. Au final, un manque d’anticipation concernant ces forêts de protection aggraverait encore les facteurs de risques naturels dans des zones déjà très sensibles.

Bâtiments : une nécessité d’assouplir les contraintes qui freinent l’adaptation.

La mesure 12 du PNACC sur l’adaptation des bâtiments pour le confort d’été ne mentionne pas les contraintes existantes sur le patrimoine classé et les bâtiments situés dans le périmètre de sites classés. Ces contraintes architecturales peuvent parfois empêcher des mesures d’adaptation efficaces et peu coûteuses (protections solaires extérieures, revêtements clairs en toiture), générant une impossibilité d’adaptation ou une mal-adaptation.

En outre, la propagation du moustique tigre en France, accélérée par le réchauffement climatique, est en partie liée à la conception du bâti en zone urbanisée qui favorise la création de points d'eau où il se développe. Dans la mesure 24 du PNACC, un travail sur la prise en compte de cette problématique dans la conception des bâtiments pourrait être intégré.

Synthèse des propositions du Conseil départemental de la Savoie :

  • Elargir l’enjeu du risque glaciaire et périglaciaire à l’enjeu des risques géologiques en montagne.
    = Mesure 6
  • Mieux identifier l’enjeu de l’adaptation des infrastructures en montagne, proposer au travers des dispositifs d’accompagnement des diagnostics de vulnérabilité très opérationnels et une véritable méthode de priorisation.
    = Mesure 30/Mesure 22/Mesure 25
  • Prioriser les études sur la ressource et les usages de l’eau réalisées à la maille fine et portées par les syndicats de bassins.
    = Mesure 21/Mesure 22
  • Intégrer l’enjeu du renouvellement des concessions hydroélectriques pour l’adaptation au changement climatique, particulièrement du point de vue du partage de la ressource en eau et de la restauration de la morphologie des cours d’eau, ainsi que pour l’écrêtement des crues.
    = Mesure 21/Mesure 42/Mesure 3
  • Renforcer le soutien de l’Etat à la mise en conformité des ouvrages de protection contre les crues en montagne.
    = Mesure 3
  • En matière de forêt, dans un contexte de crise massive de mortalité, mettre l’accent non pas sur les diagnostics de vulnérabilité mais sur l’action rapide et massive (d’un point de vue financier, humain et réglementaire) pour mobiliser les bois dépérissant dans la construction et l’énergie et régénérer les zones sinistrées.
    = Mesure 38/Mesure 24
  • Mieux identifier l’enjeu du dépérissement des forêts de protection pour flécher les financements vers cette problématique prioritaire (afin de renforcer les moyens d’intervention, notamment par câble).
    = Mesure 38
  • Intégrer l’enjeu de l’assouplissement des contraintes liées aux périmètres de sites classés, afin de pouvoir arbitrer en bonne intelligence entre la nécessaire protection du patrimoine et l’impératif d’adaptation des bâtiments aux vagues de chaleur.
    = Mesure 9/Mesure 12 

Le Département de la Savoie portera ces propositions lors des séances des COP régionale et départementale qui seront dédiées au PNACC.

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