#DOSSIER

Dans les pas des mineurs savoyards

écrit le 01 juillet 2020
Entrée d'une mine

Et si vous marchiez sur les traces de ces hommes et ces femmes qui ont extrait les minerais de fer, de cuivre et d’argent pendant 4000 ans dans plus de 1000 mines et carrières souterraines en Savoie ? Pour cela, rendez-vous du 18 juillet au 20 septembre à la grange batelière de l’abbaye de Hautecombe, à Saint-Pierre de Curtille, pour découvrir la nouvelle exposition du Département  « Mines de montagne ». Un voyage dans les profondeurs de la terre pour revivre seul, entre amis ou en famille une histoire et un patrimoine oubliés.

Mines de montagne, comme si vous étiez !

Comment, depuis la préhistoire, les mineurs savoyards ont-ils fait pour extraire ces précieux minerais, souvent en haute montagne, dans des conditions climatiques difficiles ? Comment ont-ils réussi à les transformer en métaux puis en objets tels que des bijoux, monnaies, épées, cloches et armures ? C’est l’histoire que l’exposition « Mines de montagne » vous raconte cet été et l’été prochain à l’abbaye de Hautecombe. Parcourir cette exposition, c’est vivre une expérience immersive au cœur des mines de Savoie. Explication de Clara Berelle, chargée de l’inventaire du patrimoine au Département de la Savoie.

« Nous avons travaillé la scénographie sur un parcours de 300 m² en circuit fermé afin de plonger les visiteurs dans l’ambiance d’une mine. Après l’introduction, ils passent dans une première galerie et entrent dans la peau d’un mineur pour faire le tour des 4 espaces consacrés à chacun des minerais : cuivre, fer, argent et or, sachant que la partie sur l’or est plus modeste que les autres puisque les mines d’or en Savoie sont un mythe plus qu’autre chose !  Les mines sont reconstituées par un système de tentures imprimées et un jeu de couleurs, lumières et matières. Dans chaque module, des animations, vues panoramiques et dispositifs vidéo sont mis en place pour une exposition interactive. Par exemple, la frappe de monnaie comme au temps des ducs de Savoie, une vidéo immersive sur la mine médiévale de la Colombière ou encore une démonstration du fonctionnement d’un haut-fourneau ».


En raison du contexte actuel et des règles sanitaires, les visiteurs ne pourront pas manipuler directement les différents objets présentés. Seuls les médiateurs présents lors de la visite guidée pourront le faire.  D’autres animations seront à découvrir à l’été 2021 telles que le jeu de société « Maîtres des mines » spécialement créé pour l’occasion ou encore le parcours famille « l’aventure du petit mineur ».

Exposition « Mines de montagne »

Du 18 juillet au 20 septembre à l’abbaye de Hautecombe, Saint-Pierre de Curtille, tous les jours sauf le mardi de 13h30 à 18h.
Visites guidées à 15h (durée de 45 minutes)
Entrée libre et gratuite dans le respect des règles de distanciation physique et des mesures barrières.
Renseignements : conservation départementale du patrimoine au 06 47 99 43 97

  • Le spectacle continue… lors des Journées européennes du patrimoine

En écho à l’exposition Mines de montagne, Odyssée  ensemble & Cie vous invite à un spectacle musical inédit  pour une exploration acoustique et visuelle des anciennes mines et fonderies de Savoie. Cuivres, cor des Alpes, objets sonores et connectés se mêlent aux images pour vous offrir une interprétation décalée du monde souterrain de la mine, du travail des mineurs et de celui des forgerons qui ont su pendant des siècles extraire et transformer le métal.

Dimanche 20 septembre / Château des ducs de Savoie -tour trésorerie / durée : 25 min /  horaires prévisionnels : 11h, 14h, 15h, 16h, 17h / gratuit

Saviez-vous que ?

  • L'exploitation minière en Savoie a atteint son apogée durant la deuxième partie du 19e siècle. À l'exception de quelques mines, elle a amorcé son déclin au début du 20e siècle.
  • La mine de plomb argentifère des Sarrasins en Maurienne est l’une des plus hautes d’Europe. Elle est perchée à plus de 2800 m d’altitude sur le versant sud-ouest du Mont Thabor. Eté comme hiver, des générations de mineurs ont affronté les conditions extrêmes de la haute montagne pour extraire son précieux minerai. En période hivernale le plomb argentifère était descendu dans la vallée dans des sacs en peau de mouton que les mineurs faisaient glisser sur les pentes enneigées. Les premières traces d’exploitation datent du 17e siècle mais la toponymie des lieux laisse penser à une activité plus ancienne qui remonterait au 14ème siècle voire au 11e siècle par les Sarrasins. C’est en 1861 que l’exploitation cesse, le minerai contenant trop peu d’argent et les ouvriers se faisant rares alors qu’ils étaient une centaine au plus fort de l’activité.
  • Sous les pistes de ski de La Plagne se trouvait jusqu’en 1973 la plus grande mine de plomb et d’argent de Savoie. Pas moins de 30 km de galeries ont été creusées dans la montagne. Exploitée dès l’époque romaine, la mine reprend du service en 1807 après qu’un maçon a redécouvert son existence. Son activité se voit relancée grâce à l’Ecole des mines qui s’implante au début du 19e siècle non loin de là, sur la commune de Peisey-Nancroix. Le gisement connaitra ses dernières heures de gloire de 1934 à 1973 sous la houlette de la société Penarroya, produisant un cinquième de la production de plomb française. Cette exploitation au sommet aura été la dernière en activité en Savoie. Dès leur sortie “du trou”, les mineurs s’adonnaient aux sports d’hiver grâce au téléski construit par leur chef d’atelier. Ils remporteront aussi de nombreux prix en bobsleigh à 4 sur la piste qui suit en partie le tracé des galeries souterraines.
  • La célèbre Chanson de Roland aux 4002 vers raconte que l’épée incassable Durandal aurait été forgée en Maurienne avant d’être remise à Charlemagne. La matière première venait-elle des mines de fer des Hurtières ? Le mystère demeure…

Berretti

 

Renaud Beretti

Vice-président du Département délégué à la culture et au patrimoine

 

Pour savoir où nous allons, il faut savoir d’où nous venons. L’exposition « Mines de Montagne » nous dévoile ainsi un pan de l’histoire et de l’industrie de la Savoie qui a participé à forger notre territoire. Au cœur de ces mines oubliées je vous invite à remonter le temps et vivre une aventure captivante. Bonne visite !

De l’ombre à la lumière


Tombé dans l’oubli, le patrimoine minier de la Savoie connait depuis plusieurs années un regain d’intérêt grâce notamment au projet Alcotra, également baptisé « Mines de Montagne ». Lancé en 2017, ce programme européen qui devrait se prolonger jusqu’en 2021 est porté par la Région autonome de la Vallée d’Aoste avec la mobilisation de nombreux partenaires et notamment le Département de la Savoie. Objectif : mettre en place des actions touristiques et culturelles durables pour sauvegarder et valoriser ce patrimoine.

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Valoriser, c’est d’abord mieux connaitre !

Pour en savoir plus sur l’histoire, le fonctionnement et les vestiges de l’activité minière et métallurgique de Savoie, un inventaire du patrimoine est en cours, par le biais, notamment, de prospections et de fouilles archéologiques.

Questions à Clément Mani, chargé de l’archéologie au Département de la Savoie.

Quels sont les sites miniers concernés par ces campagnes d’étude ?

Nous avons commencé en septembre dernier  par le site médiéval de la Colombière située à Bramans sur le territoire de Val-Cenis. Cette mine a été préservée dans le temps et conserve, à 1900 m d’altitude, l’image intacte des techniques d’exploitation des mineurs du Moyen Age. Il y a quelques jours nous avons mené une campagne de sondages et de prélèvements pour dater, au carbone 14,  l’exploitation de fer du Mont Peney dans les Bauges, un secteur peu connu pour ses mines. Cela pourrait remonter au 7e siècle ! Enfin, une prospection vient de démarrer dans le massif des Hurtières pour découvrir et dater les travaux les plus anciens.

Quelles découvertes avez-vous fait à l’automne dernier sur le site de Bramans ?

Nous avons parcouru les 700 m de galeries creusées à la main au 12e siècle et avons constaté l’existence d’au moins 4 entrées supplémentaires bouchées. Une pointerole a été découverte, elle servait à creuser la couche supérieure de la roche qui était tendre pour trouver le contact de la roche dure dont les fissures contenaient les minerais. Les mineurs utilisaient aussi le feu et l’eau froide pour créer un choc thermique et rendre la roche plus friable. La plus grande surprise est venue de l’extérieur de la mine. Plus de 200 vestiges ont été mis au jour : puits, galeries, chantiers de surface, etc. Seule l’archéologie pouvait permettre ces découvertes car les textes anciens ne mentionnent pas cette exploitation.  Par contre, aucune trace des travaux menés au nom de Françoise-Louise de Warens, aristocrate chambérienne, ce qui confirme que cette mine a été son plus grand espoir mais a provoqué sa ruine ! Nous avons profité de cette prospection pour numériser les lieux et réaliser un film 3D qui sera présenté lors de l’exposition Mines de montagne. Les résultats des autres études seront dévoilés l’année prochaine.

Qu’est-ce que ça fait de plonger dans ces mines et remonter le fil du temps ?

C’est très étrange d’être sur les traces de nos ancêtres mineurs et de voir dans quelles conditions ils travaillaient. Le froid, l’humidité, la pénombre… Que d’efforts dépensés pour des résultats bien aléatoires… Nous avons encore de nombreuses découvertes à faire sur tous les massifs de Savoie car dès que l’on cherche, on trouve ! Nous ne sommes qu’au début, mais on sait déjà que même il y a 4000 ans, les mineurs connaissaient parfaitement la montagne, sa géologie, ses richesses cachées et ses dangers. 

En route pour un nouvel Itinéraire Remarquable !

Le projet Alcotra, c’est aussi l’occasion, de requalifier certains sites culturels et d’étendre l’offre touristique sur le thème des mines et de la métallurgie. Côté savoie, l’Espace alu à Saint-michel de Maurienne a ainsi complétement rénové son dernier étage en 2018 ; la station de La Plagne-Tarentaise propose un circuit de randonnée thématique et une exposition permanente à la maison du patrimoine et enfin le Grand Filon à Saint-Georges d’Hurtières est en train de renouveler sa scénographie et de mettre en place un sentier sonore en partenariat avec Radio Fond de France. Ces 3 sites et une dizaine d’autres ouverts au grand public feront partie du nouvel itinéraire de découverte en cours de création par le Département de la Savoie sur 3 secteurs clefs : le fer de Belledonne, la route historique entre les Hurtières et les Bauges et le plomb-argentifère de Tarentaise. Les parcours pédestres utilisés par les mineurs et aujourd’hui devenus sentiers de randonnée seront au cœur de ce dispositif à découvrir bientôt sur le portail des patrimoines de Savoie.

Rencontre avec le spéléologue Robert Durand

Il connait les mines de Savoie comme sa poche et ne compte pas s’arrêter en si bon chemin ! Robert Durand a parcouru ces 20 dernières années près de 2/3 des galeries souterraines qui existent dans le département. Son coup de cœur ? La mine de fer de Saint-Georges d’Hurtières dont les premières traces d’exploitation mentionnées dans un document historique remontent à 1289. Explications.

«  Elle se distingue des autres car les 21 km de galeries sont en parfait état. Une petite partie est d’ailleurs ouverte au public dans le cadre du parcours de visite touristique du Grand Filon. Cette mine est très belle du fait de ses couleurs, notamment ce dégradé de bleu et de vert lié à la présence d’oxyde de cuivre. Son organisation est aussi intéressante avec une succession de plans inclinés, de galeries de recherche et de galeries d’exploitation. Si le site a fermé ses portes en 1931, il n’a rien perdu de sa magie. D’ailleurs, 1,5 millions de tonnes de minerai seraient encore enfouies sous terre soit autant que ce qui a été extrait sur place. Chaque mine en Savoie a son histoire et sa propre géologie qui la rendent unique. Les parcourir c’est rendre hommage à ces mineurs qui ont fait un travail utile à la société, ceci parfois au prix de leur vie. J’ai recensé 180 accidents mortels ! Ce qui est aussi incroyable, c’est que j’ai appris, au cours de recherches documentaires, que je marchais, 3 siècles plus tard, dans les pas de mon ancêtre, maître de forges ! D’origine autrichienne, il s’était installé à Arvillard puis, en 1692, avait monté son propre atelier de fabrication d’outils en fer à Saint-Jean d’Arvey. Ma passion pour la spéléologie et l’histoire de la métallurgie m’a permis de faire de belles découvertes ! ».

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Pour aller + loin

« Un siècle dans les mines de Savoie », livre de Robert Durand paru aux Editions Gap

Crédits : Céline Clanet, Thierry Bazin, Robert Durand

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