C’est une pollution dont on parle beaucoup pour les océans et dont l’impact est largement étudié et médiatisé depuis plusieurs années. Mais qu’en est-il pour les lacs ? Soutenue par la Fondation de l’Université Savoie Mont Blanc et l’Agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse, une équipe du laboratoire EDYTEM de l’Université Savoie Mont Blanc et du CNRS a décidé de s’y intéresser. Dans sa ligne de mire : les lacs d’Annecy en Haute-Savoie, du Bourget et Merlet en Savoie.
"On démarre généralement les études par les sites les plus exposés… Pour les microplastiques, c’est le contraire. Les recherches ont commencé avec la pollution marine, là où la dispersion est la plus importante. Le fait de trouver des microplastiques dans nos lacs et dans des concentrations plus élevées est donc une quasi-certitude », analyse David Gateuille, maître de conférences en chimie à l’Université Savoie Mont Blanc. Il est l’un des porteurs du projet Plastilac, aux côtés d’Emmanuel Naffrechoux, professeur de chimie, Yves Perrette, directeur de recherches au CNRS et Julia Dusaucy, doctorante, qui en a fait l’objet de sa thèse** dans le cadre d’un partenariat avec le CISALB***.
** Transferts et impacts des microplastiques dans les lacs alpins // Julia Dusaucy (Février 2020)
*** Comité intercommunautaire pour l’assainissement du lac du Bourget
Ce sont des particules de matière plastique dont la taille est inférieure à 5 mm : fragments d’objets en plastique, fibres synthétiques, microbilles de plastique de plus en plus utilisées par l’industrie par exemple dans les produits cosmétiques.
Depuis l’été dernier, c’est à une pêche pas très miraculeuse que se livre régulièrement l’équipe de chercheurs mobilisés sur les eaux du lac du Bourget et du lac Merlet, à plus de 2 400 mètres d’altitude aux portes du Parc national de la Vanoise, au-dessus de Courchevel. L’objectif est de « capturer » les fameux microplastiques, en surface grâce à des filets aux mailles ultra fines ou par prélèvements de colonnes d’eau et de sédiments au fond de l’eau. Direction ensuite le laboratoire pour être scrutés au microscope !
« Nous procédons d’abord à une signature infrarouge pour être certains que c’est du plastique avant de passer à une analyse plus fine pour découvrir à quels types de matériaux on a à faire. Les microplastiques peuvent être de natures très différentes, car chaque lac est exposé très différemment aux sources de plastiques. C’est aussi tout l’intérêt du projet Plastilac », explique David Gateuille.
D’où vient la pollution ? Afin de mettre en oeuvre des solutions adaptées pour la limiter, il faut d’abord mieux en identifier les origines. Si le lac d’Annecy est protégé des eaux usées de l’agglomération, le risque vient des axes routiers qui le ceinturent : ils génèrent de la poussière de pneu apportée par le ruissellement de la pluie sur la chaussée. La configuration et le contexte sont différents pour le lac du Bourget. « La problématique vient des rejets d’eaux usées domestiques qui peuvent atteindre le lac après de gros orages notamment quand ils sont détournés pour éviter la saturation de la station d’épuration. Il peut s’agir par exemple des microplastiques issus de fibres textiles synthétiques et contenus dans les eaux de lavage du linge, des microbilles contenues dans certains cosmétiques ou les dentifrices. La future mise en service d’un bassin d’orage devrait permettre de mieux gérer ces situations et nous devrions pouvoir l’observer dans les résultats de nos analyses », précise David Gateuille. Quant au lac Merlet, les microplastiques ne peuvent venir que du ciel ! Ici, pas de source de pollution immédiate, c’est uniquement aux retombées atmosphériques que l’on doit la présence de microplastiques. Les particules peuvent en effet être dispersées sur des distances très grandes – plusieurs centaines de kilomètres – et atteindre des zones très isolées. L’objectif est de formuler des préconisations pour préserver la valeur environnementale, touristique, économique et sanitaire de ces lacs. Car, d’où qu’ils viennent, les microplastiques impactent à la fois la qualité de l’eau, les usagers des lacs et la biodiversité…
Environnements DYnamiques et TErritoires de la Montagne : voilà les champs d’études et de recherche de cette unité mixte de recherche Université Savoie Mont Blanc / CNRS. Ses chercheurs s’intéressent prioritairement à l’environnement montagnard avec une approche résolument pluridisciplinaire : climat, biologie, écologie, chimie, problématiques sociales, économiques et politiques, etc. Le territoire Savoie Mont Blanc leur offre un laboratoire d’observation à ciel ouvert qui leur permet de concilier la recherche fondamentale, créatrice de nouveaux savoirs, avec un investissement fort auprès des acteurs de la montagne pour des réponses concrètes.
Crédit bandeau : Ecom photos